I correctly predicted that there was a violation of human rights in ALGÜL AND OTHERS v. TURKEY.

Information

  • Judgment date: 2019-02-05
  • Communication date: 2017-01-16
  • Application number(s): 59864/12
  • Country:   TUR
  • Relevant ECHR article(s): 2, 2-1, 13
  • Conclusion:
    Violation of Article 2 - Right to life (Article 2-1 - Effective investigation) (Procedural aspect)
  • Result: Violation
  • SEE FINAL JUDGMENT

JURI Prediction

  • Probability: 0.768031
  • Prediction: Violation
  • Consistent


Legend

 In line with the court's judgment
 In opposition to the court's judgment
Darker color: higher probability
: In line with the court's judgment  
: In opposition to the court's judgment

Communication text used for prediction

Communiquée le 16 janvier 2017 Requête no 59864/12İlyas ALGÜL et autrescontre la Turquieintroduite le 16 juillet 2012 EXPOSÉ DES FAITS 1.
La liste des requérants figure en annexe.
Ils sont représentés devant la Cour par Me M. Görgeç.
2.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
3.
Le 28 septembre 2005, vers 19 h 15, le proche des requérants, Erol Algül, fut trouvé blessé sous les décombres du poste de garde qui s’était effondré sur lui alors qu’il montait la garde pendant l’accomplissement de son service militaire obligatoire à Şanlıurfa.
4.
Il succomba à ses blessures à l’hôpital public de Şanlıurfa.
5.
Le parquet militaire fut informé immédiatement après les évènements et une enquête pénale fut ouverte d’office.
A. Les mesures d’instruction 6.
Le procès-verbal du constat effectué sur les lieux indique qu’il manquait deux morceaux de bois dans la structure du poste de garde et que celui-ci s’était complètement effondré.
7.
O.K.
et M.R., les deux soldats qui avaient découvert Erol Algül, déclarèrent que celui-ci se trouvait sous les décombres du poste de garde après que ce dernier s’était effondré et qu’ils avaient aidé Erol Algül à en sortir.
8.
Huit autres soldats furent également entendus.
Ils affirmèrent qu’Erol Algül avait des difficultés financières et d’autres soucis personnels, qu’il avait dit à plusieurs reprises en avoir assez de faire son service militaire, s’ennuyer et vouloir rentrer chez lui.
Ils dirent qu’Erol Algül avait ajouté qu’il allait soit déserter, soit se suicider, soit demander un congé pour se changer les idées mais que, en tout état de cause, il ne continuerait pas son service militaire.
9.
Les soldats S.A., Ş.Ö., H.A., Z.B.
indiquèrent avoir vu deux soldats non loin du lieu des évènements vers 19 h 30 mais ne pas avoir été en mesure de les identifier parce qu’il faisait nuit.
Ces deux personnes ne purent être identifiées lors de l’instruction.
10.
À son arrivée à l’hôpital, le procureur militaire fit pratiquer, sous sa supervision, un examen externe et une autopsie de la dépouille.
Le médecin légiste fit les constatations suivantes : « Le corps a une taille de 1,73 mètre ; il ne présente aucune blessure causée par un objet tranchant ou une arme à feu ; il n’y a aucune lésion au niveau de la tête ; il n’y a pas de lésion traumatique au niveau du thorax et des poumons ; il y a une zone ecchymotique et une érosion de 10 x 15 centimètres au niveau de l’abdomen et une zone ecchymotique et une érosion de 5 x 4 centimètres au niveau du dos ; la paroi thoracique et l’abdomen sont remplis de sang (environ 200 millilitres) ; il y a une déchirure sur la partie gauche du cou et une autre avec un hématome de 2 centimètres sur le mésocôlon ; il y a une ecchymose et une éraflure superficielle de 1 x 2 centimètres sur le gland du pénis.
Le décès a été causé par un traumatisme thoracique et abdominal ayant provoqué une hémorragie interne.
» 11.
Le procureur militaire saisit la direction régionale de la météorologie nationale de Şanlıurfa afin de s’informer de la vitesse du vent le 28 septembre 2005 entre 17 h 00 et 19 h 30.
Il apprit que, dans la tranche horaire concernée, la vitesse du vent n’avait pas dépassé 33 kilomètres à l’heure ce jour-là.
12.
Selon un rapport administratif du 1er octobre 2005, il était impossible que le poste de garde se fût écroulé tout seul.
13.
D’après un autre rapport administratif du 13 octobre 2005, le poste de garde avait été déplacé de son emplacement d’origine à l’aide d’un morceau de bois qui aurait fait partie de sa structure.
14.
Une expertise fut ordonnée par le procureur militaire pour connaître les circonstances de l’effondrement du poste de garde militaire.
Dans leur rapport, les deux experts, ingénieurs en bâtiment, exposèrent notamment ce qui suit : « Il n’y a pas de trace de choc extérieur sur la structure du poste de garde militaire.
Le vent était faible et il n’y a eu aucune secousse sismique dans la région le jour de l’incident.
Le poste de garde pesait 440 kilogrammes.
Deux morceaux de bois, l’un mesurant 2 x 12 x 25 centimètres et l’autre 4 x 6,5 x 87 centimètres ont été trouvés près du poste de garde.
Ils sont apparemment identiques aux matériaux utilisés dans la construction du poste de garde et ils sont en tout cas recouverts de la même peinture.
Ils ont probablement servi de levier pour faire basculer le poste de garde qui a bougé de 40 centimètres par rapport à son emplacement d’origine.
Une personne seule aurait pu le faire mais il est plus probable que ceci a été fait par plusieurs personnes qui ont d’abord déséquilibré la structure à l’aide d’un levier, puis l’ont poussée et enfin l’ont faite tomber à terre.
Selon les informations fournies par l’administration, le poste de garde avait été placé sur un sol en béton à l’aide d’un engin et n’avait pas fait l’objet de travaux par la suite.
» 15.
Une autre expertise fut ordonnée par le procureur militaire auprès d’un médecin spécialiste en pathologie afin de déterminer si les blessures constatées chez le défunt étaient cohérentes avec un écroulement du poste de garde sur l’intéressé pendant qu’il montait la garde à l’intérieur.
Les passages pertinents de ce rapport d’expertise se lisent comme suit : « Les traces d’ecchymose et d’éraflure relevées sur le pénis du défunt étaient certainement liées au fait qu’il était resté coincé sous les décombres à la suite de l’effondrement du poste de garde.
En ce qui concerne la présence de sang dans la paroi thoracique et l’abdomen, celle-ci était probablement en lien avec la grande pression subie par l’abdomen qui avait poussé le diaphragme vers le haut, ce qui avait causé une diminution du volume des poumons laquelle avait elle-même entraîné une hémorragie interne.
À cet égard, il convient d’observer que les côtes n’étaient pas cassées et que les poumons ne présentaient pas de lésion.
S’agissant de la déchirure au niveau du mésocôlon, elle pouvait avoir été causée par un choc violent.
Il est également à noter que le poste de garde pesait environ 450 kilogrammes et que les témoins ont affirmé qu’Erol Algül était sorti sous les décombres en rampant.
Il est probable que la déchirure avait été causée à ce moment-là sous l’effet de la pression du poste de garde sur le corps.
Compte tenu de l’ensemble des éléments du dossier, j’estime que le poste de garde ne s’est pas écroulé tout seul ou au moyen d’une intervention extérieure alors que l’appelé se trouvait à l’intérieur.
À supposer que l’on accepte la thèse selon laquelle l’appelé était dans le poste de garde au moment de l’effondrement, il convient de faire les observations suivantes : 1) le corps du défunt aurait dû présenter des éraflures, ecchymoses, saignements et déchirures beaucoup plus prononcés ; 2) ces lésions auraient dû être causées d’abord à la partie supérieure du corps puis aux parties inférieures ; 3) on aurait dû observer des déchirures et des saignements musculaires marqués ; 4) on aurait dû constater des fractures déplacées et non déplacées des os ; 5) il aurait dû y avoir des lésions visibles du foie, de la rate et des autres organes internes ; 6) on aurait dû observer des traces de traumatisme sur la tête.
Les circonstances de la cause font penser que l’effondrement du poste de garde militaire sur l’intéressé a été provoqué de manière intentionnellement progressive.
Le rapport d’autopsie indique la présence de sang dans l’abdomen.
Il faut comprendre qu’il y avait 1,5 litre de sang dans cette partie du corps.
Une telle quantité est potentiellement mortelle.
Le temps nécessaire pour que l’abdomen se remplisse d’autant de sang est en moyenne de vingt à trente minutes.
D’ailleurs, les déclarations des témoins selon lesquelles Erol Algül était conscient mais avait eu un léger malaise en sortant des décombres, avait ensuite perdu connaissance dans l’ambulance et était décédé à son arrivée à l’hôpital, confortent cette hypothèse.
La déchirure du mésocôlon démontre que les 450 kilogrammes du poste de garde avaient créé une compression sur le corps de l’appelé.
Il n’y a pas d’éléments permettant de dire que l’appelé a reçu ce poids de face.
Les lésions démontrent que l’appelé a reçu ce poids directement sur le dos.
» B.
La compétence du parquet militaire 16.
Le 3 novembre 2008, le parquet militaire se déclara incompétent et transmit le dossier de l’enquête pénale au procureur de la République de Şanlıurfa.
17.
Le 10 février 2009, le procureur de la République de Şanlıurfa se déclara également incompétent et renvoya le dossier au parquet militaire de Diyarbakır.
18.
Le 6 mai 2009, le parquet militaire de Diyarbakır se déclara lui aussi incompétent.
Les requérants s’opposèrent à cette décision.
Leur opposition fut acceptée et c’est le parquet militaire de Diyarbakır qui fut finalement désigné comme étant l’organe juridiquement compétent pour instruire l’affaire.
C. L’ordonnance de non-lieu 19.
Le 2 juillet 2012, le procureur militaire de Diyarbakır rendit une ordonnance de non-lieu au motif que l’enquête pénale n’avait pas permis de déterminer qui était responsable des évènements.
20.
Les requérants firent opposition contre cette ordonnance de non-lieu, alléguant que plusieurs zones d’ombre subsistaient quant aux circonstances du décès de Erol Algül.
21.
Le 17 août 2012, le tribunal militaire de Diyarbakır fit droit à l’opposition des requérants et ordonna au parquet de procéder à un complément d’instruction.
Il estimait notamment qu’il fallait établir les circonstances des évènements et déterminer s’il s’agissait d’un accident ou d’un suicide.
22.
Le procureur militaire estima que Erol Algül avait probablement fait basculer le poste de garde sur lui de manière intentionnelle à l’aide d’un camarade.
Il affirmait que l’intéressé avait agi ainsi dans l’intention de se blesser et de terminer plus rapidement son service militaire.
Il ajoutait que l’appelé O.K.
avait été suspecté mais que l’instruction avait permis d’acquérir la certitude que celui-ci ne connaissait pas Erol Algül et qu’il n’y avait donc aucun élément dans le dossier justifiant de le poursuivre.
23.
Le 13 août 2015, le tribunal militaire de Diyarbakır rejeta l’opposition des requérants contre la décision du 2 juillet 2012.
D. Le recours en indemnisation devant la Haute Cour administrative militaire 24.
Le 1er juillet 2014, les requérants, par l’intermédiaire de leur avocat, formèrent un recours de plein contentieux devant la Haute Cour administrative militaire tendant à l’obtention d’une indemnité pécuniaire en raison du décès de Erol Algül.
25.
Cette procédure demeure pendante devant cette juridiction.
GRIEFS 26.
Les requérants soutiennent que les circonstances de la cause ont emporté violation de l’article 2 de la Convention.
À cet égard, ils se plaignent d’une atteinte au droit à la vie de leur proche et de l’ineffectivité de l’enquête pénale.
Ils dénoncent également l’absence d’indemnisation et allèguent à cet égard une violation de l’article 13 de la Convention.

Judgment